On a lu, relu et re-relu sur tous les tons, à toutes les sauces et dans tous les formats que Trap Them n'atteindra plus la grâce de Darker Handcraft, grande baffe qui avait calmé tout le monde en prouvant mains dans les poches que le hardcore blackened à fond pouvait être pop, que le crust pouvait danser et que le sludge pouvait se glisser là-dedans pépère, sans déranger personne. Mais qui pense à mentionner que Trap Them continue cependant de donner des leçons à tout le monde en concert, les yeux fous et la bave aux lèvres, "vous voyez les enfants, une fessée c'est comme ça que ça se donne" ?
Soyons de bonne foi, tout fanboy éperdu que je suis : Blissfucker était un peu décevant, perdant du côté pop ultra catchy de son grand frère. Ce qui ne m'a pas empêché d'attendre Crown Feral avec impatience, en bavant sur son superbe artwork. Bave qui est devenue écume en entendant 'Hellionaires', premier extrait sous amphètes, pied au plancher et crust-punk à fond : Trap Them tout comme je l'aime. Impossible de ne pas avoir envie de se jeter tête la première contre les murs sur ce riff assassin, cette batterie forcenée et cette voix plus hargneuse que jamais. Un retour aux temps glorieux ? Ca s'annonçait bien.
Et
'Hellionaires' n'était pas qu'un heureux hasard. Crown Feral
est acéré, rapide et accrocheur. Après une introduction poisseuse
et menaçante, la machine s'emballe pour ne plus ralentir qu'à de
rares occasions. Au programme, guitare-HM2-tronçonneuse qui assène
riffs de barbare et mélodies aigües infectieuses sans temps mort,
batteur bûcheron positif à bloc au test dopage, et à la voix... On
ne qualifie pas Ryan McKenney. On le ressent. Sauvage enragé, il
plane sur tout l'album de sa voix déchirée, transmettant sa furie
qui frôle la folie pure à l'auditeur. Tout s'enchaîne sans
discontinuer, et on imagine déjà les amplis s'enflammer et la
batterie céder sous les coups. Sérieusement, jetez une oreille sur
'Revival Spines' : vous en connaissez beaucoup, vous, qui mélangent
crust dévastateur et rock'n'roll accrocheur avec autant d'aisance et
d'efficacité ?
Les pistes moins hystériques ne perdent pas en
puissance, mais gagnent en poids et en ambiance. 'Malengines Here,
Where They Should Be' frappe à grands coups de poings sur les
crânes, tandis que 'Twitching In The Auras' noie tout le monde dans
une brume inquiétante, avant de frapper à grands coups de poings
sur les crânes. Oui, le bourre-pif est la pratique préférée de
Trap Them. Et ils font ça mieux que Ventura.
Crown
Feral est un album massif, punk
dans l'âme, et d'une brutalité qui ne faiblit pas. S'il n'a pas
l'originalité de son aîné Darker Handcraft,
il en est le plus que digne successeur.
Pendant la tournée européenne qui a suivi la sortie de l'album, Ryan McKenney a sauté des amplis sur lesquels il avait grimpé au bout de dix minutes de concert et s'est ouvert l'arcade sourcilière, a récolté un oeil au beurre noir monstrueux et s'est brisé les deux pieds. Il a terminé ses quarante-cinq minutes de concert en se tenant debout accroché aux amplis et à son pied de micro, a passé la nuit à l'hôpital et repartait le lendemain pour les onze shows suivants, qu'il a joués en fauteuil roulant avec ses plâtres. Je vous raconte tout cela parce que je trouve que rien ne représente mieux l'esprit de Trap Them : une dédication totale à la musique, une violence salvatrice qui efface tout le reste. "Let go of the wheel and let in the crash."
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