Oh allez, chiale pas, va : ça arrive à tout le monde de se prendre une mandale dans le coin de la gueule sans rien avoir vu venir. Surtout que là c'est arrivé sans un bruit, sans un sifflement d'avertissement, sans le moindre petit bruit de pas, sans une foutue brindille pour craquer. Le braquage parfait, quoi – par-derrière, d'un coup sec, sans appel ni pardon. Le genre dont on ne se réveille pas tout de suite, et qui laisse des séquelles pendant un moment. Tu ne baisseras plus ta garde avant un bail.
Et
puis cet ovni de violence qui débarque de Commercy, dans la Meuse,
personne n'aurait pu le voir venir de toute façon. A Commercy, on
fait des madeleines (très bonnes, mais ce n'est pas la question), on
prend le train pour aller à Nancy ou à Toul, on se fait chier en
regardant la pluie ou en l'attendant, mais on ne fabrique
certainement pas de monstruosités qui héritent autant de Converge
que de Gaza, Cult Leader et autres Botch.
Ouais, t'as bien lu :
les salauds de Cleaver mettent la barre très très haut pour un
premier album, et ils frappent en plein dans le mille. Entre
influences parfaitement digérées, son carrément impressionnant
pour une première sortie, pochette aux petits oignons et signature
directement chez Season Of Mist sans passer par la case départ, on
se retrouve là devant un bon pavé bien dense d'ultra-violence et
d'ambiances bien senties.
Dès
l'ouverture 'Desperate', c'est le déluge. Tout à balle sans intro,
un hurlement saturé, des riffs mi-hardcore mi-rock'n'roll et un
final à base de ralentissement de gros boeuf et de tapis de double
pédale : c'est la fête, et c'est plus que prometteur pour le reste
de l'album.
Avec le second titre 'Dressed In Sorrow' apparaît
une influence évidente : le Converge de la grande époque, et plus
particulièrement son guitariste Kurt Ballou. Cette guitare
dissonnante et torturée aux riffs
qui-n'en-sont-pas-mais-qui-en-sont-quand-même va porter tout l'album
et constituer un des éléments qui le séparent du hardcore de base.
Sur des morceaux comme 'Sunset' ou 'The Plight', c'est flagrant, et
ça apporte une vraie ambiance et un côté chaotique qui donnent
envie de se dévisser la nuque.
De ce côté d'ailleurs, les
singes du pit ne seront pas déçus : des titres comme 'Thudding
Stares', qui rappellent autant les regrettés Gaza que les meilleures
heures de Cult Leader, c'est irrésistible. La guitare hurle à la
mort, la batterie tabasse dans tous les sens, les riffs semblent
tourner en rond comme une meute de loups, c'est autant dans l'urgence
que ça traîne en raclant ses crocs par terre : du caviar. Sans
parler de 'Kyg', courte décharge de violence explosive avec son
passage de basse et son break dévastateur qui vont mettre le feu à
plus d'une fosse.
Mais Cleaver ne se reposent pas que sur une violence abrutissante, et c'est ce qui leur donne une profondeur supplémentaire et une vraie identité. 'Inner Voice' démarre par un duo voix claire et guitare qui sent bon le post-rock, 'Light On' fait la part belle aux plages de guitare ambiante et au bruit blanc... Et le final 'No More Must Crawl' – 'Grief' clôt à merveille l'album, entre mélodie, mélancolie et souffrance hurlée sans retenue. Ces deux titres valent à eux seuls l'écoute du disque, écrasants et bourrés d'émotion, et offrent une parfaite conclusion à une vraie claque de violence variée et maîtrisée. Expier et renaître se fait dans la souffrance, et la pochette de l'album l'illustre bien (qui rappelle d'ailleurs la scène de fin du film Saint Maud – ceux qui l'ont vu sauront, les autres, foncez-y !)
On ressort assez lessivé de l'écoute de No More Must Crawl – et c'est exactement ce qu'on demande à un album de ce type. J'ai retrouvé en l'écoutant la branlée que m'avait mis un album comme Debt de Helpless à sa sortie, et c'est un grand compliment. Cleaver est un groupe à suivre, sans faillir.