mardi 23 février 2016

While She Sleeps | Brainwashed

                Les While She Sleeps avaient déjà bien accroché les oreilles de tout le monde avec leur premier album, This Is The Six. Leur hardcore bourré de chœurs puissants, de touches d’émo et de passages métal bien sentis a de quoi séduire et ratisser large.
                Si leurs influences sur le premier opus restaient évidentes, les cinq britanniques viennent, après avoir dévasté toutes les salles de concert sur leur passage et changé les cordes vocales de leur chanteur, prouver avec Brainwashed qu’ils ont trouvé leur son et que putain, ils l’ont bien rôdé. Dès le morceau d’ouverture ‘New World Torture’, le message est clair : ça va jouer plus fort, ça va brailler plus mieux, et le tout sera (encore ?) plus propre qu’avant. Pas la moindre touche d’hésitation, de fioritures ou encore de balbutiements ici : que du carré, de l’anguleux, une bonne grosse dalle de béton dans la face de tous les groupes hardcore-émo qui produisent tous la même soupe insipide.
                La violence, ils savent faire, ils l’avaient déjà prouvé et ils le re-prouvent avec de meilleurs arguments : les riffs assassins de ‘Your Evolution’, le monstrueux ‘Trophies Of Violence’ ou les finals (on dit des finaux ?) de ‘Brainwashed’ (double pédale-rouleau compresseur) et de ‘Torment’ (je-t’achève-à-la-masse)… Ca tranche dans le vif, pas de quartier. Par contre, si leurs précédents morceaux mélodiques ne m’avaient pas convaincu, ils sont ici bien mieux ciselés : ‘Our Legacy’ et ‘Life In Tension’, morceaux de bravoure que tu te surprendras à reprendre à pleine gorge dès la deuxième écoute. Et pour ceux qui trouvent ça meilleur quand brutalité et douceur sont mariés (tas de tordus, va), ‘Four Walls’ mettra tout le monde d’accord.
                Brainwashed est une nouvelle direction pour le hardcore, son son massif et son exécution au quart de poil en font un disque monolithique. Hissez le pavillon rouge, « don’t wait to be saved ». 

mercredi 10 février 2016

Lofofora | L'Epreuve Du Contraire

                Je suis (non sans m’en foutre) ce que les puristes appelleront un « faux fan » de Lofo : je les ai découverts, et bigre quelle découverte, en 2005 avec Les Choses Qui Nous Dérangent, et je reste à ce jour peu intéressé par tout ce qu’ils ont pu faire avant, pardon papa Reuno. Parlons musique maintenant. 
                Telles les gateway drugs menant aux addictions plus dures, Lofofora a été mon gateway métal. J’ai tenté de reproduire les plans de sieur Pierre Belleville à la batterie jusqu’à en avoir les doigts comme des saucissons, j’ai appris ce qu’étaient une distortion et une basse dignes de ce nom, et ne parlons de l’avalanche de rocaille qu’est la voix de l’homme au crâne rasé. Brrr. On m’excusera donc de ne pas être tout à fait impartial en évoquant ce groupe, parce que soyons sérieux deux minutes, ça bute.
                Comme tout album des quatre vétérans qui se respecte, puisque tout est bon dans le cochon, L’Épreuve Du Contraire contient son lot de perles. La hargne de ‘Pornolitique’, la classe majestueuse de ‘Contre Les Murs’, le refrain sous speed de ‘Trompe La Mort’ et sa progression d’accords, la lourde et menaçante ‘Notre Terre’, etc etc. Comme on dit dans ma région sapineuse, ça envoie le pâté sans discontinuer. Je parle beaucoup de bidoche dans ce billet. On a même droit à un phrasé rap comme au bon vieux temps sur ‘L’Innocence’ : « Hallelujah », s’exclameront les puristes sus-cités.
                Mais un bon album de Lofo ne serait pas un vrai bon album de Lofo sans les textes de Reuno. Pour mon plus grand plaisir ils prenaient une tournure plus poétique qu’auparavant tout en restant engagés depuis l’opus précédent, Monstre Ordinaire, et continuent dans ce sens ici. ‘Contre Les Murs’, ‘Le Malheur Des Autres’, ‘Romance’, le syndrome de Peter Pan (si si, ça existe) de ‘Double A’… C’est juste, mordant, cynique souvent, ça sonne toujours bien. Et en français, sur ce style de musique, c’est tâche ardue. Mention spéciale à ‘La Tsarine’ et son poing dans la face de vous-savez-qui, voilà peut-être pourquoi je penche vers la métaphore porcine aujourd’hui, comme quoi y a pas de hasard.

N’ayons pas peur de nous répéter : Lofofora, ça bute.

Si jamais certains se demandent, oui, le live affilié à cet album, L’Épreuve Du Concert, en vaut la peine. Tout ce qui touche à ce groupe en vaut la peine, surtout sur scène.

lundi 8 février 2016

Birds In Row | Personal War

                You, Me & The Violence était les muscles saillants, la guerre ouverte, Personal War est le cœur à vif, le cheval de Troie, s’infiltrant là où l’y attend le moins. Première preuve : si le premier commençait tout en force, le deuxième s’ouvre sur une mélodie infectieuse, prenant le temps de poser son ambiance. Une évolution dûe à l’arrivée à la basse de Quentin Sauvé, alias Throw Me Off The Bridge ? Peut-être un peu, mais pas que : le trio Lavallois a mûri et prend un léger virage. Titres moins rentre-dedans-et-frappe-avant-de-causer, son moins agressif et plus métallique… Mais la hargne est toujours présente. L’irruption de ‘Torches’ en deuxième place le prouve, Birds In Row a toujours les crocs acérés. L’enchaînement des deux morceaux suivants est la pièce forte de l’album. ‘O’Dear’ est punk, pleine d’espoir ruminé et craché, « a breakup letter, a light in the dark », tandis que ‘Weary’ danse dans la nuit, sa mélodie hantée soutenue par ses grooves entêtants. ‘Worried’ reprend l’ambiance noire de l’introduction avant de laisser place à ‘Snakes’, appellons ça du crust blues, et l’album se clôt sur l’épique ‘Marathon’.
                La métaphore filée qui conduit le disque se retrouve au long de la musique : on court tous dans l’obscurité, à la lumière de torches parfois, à l’aveuglette souvent. Les pieds en sang, les poings serrés, on s’essouffle, on sprinte, on essaye de ne pas penser à s’arrêter, la sueur nous coule dans les yeux, les points de côté nous déchirent les flancs… Pas la peine d’aller faire un jogging pour ressentir tout ça, Birds In Row est là : monte le son et ferme les yeux, c’est comme si tu y étais.    

Birds In Row | You, Me & The Violence

                Quiconque aura vu un concert de Birds In Row pourra le confirmer : c’est sur les planches que le trio de Laval déploie toute sa puissance. C’est comme ça que je les ai entendus pour la première fois, en 2012, et après m’être pris la douche sonore du siècle, en sortant de la salle, une question trottait dans ce qui me restait de cervelle : qu’est-ce que c’était que ça ? Ce batteur qui s’acharne sur ses fûts comme un damné, ce bassiste tête collée contre son ampli plus gros que lui pendant les trois quarts du show, et ce hurleur qui semble vouloir tirer de sa guitare plus qu’elle ne peut donner, courbé sur son micro comme un corbeau… Une seule conclusion à en tirer : il était grand temps d’écumer toute la discographie de cette machine de guerre.
                You, Me & The Violence lâche les chevaux d’emblée. Un court larsen, un cri décharné, et ‘Pilori’ fauche les jambes de l’auditeur. Les premiers titres s’enchaînent, haineux, froidement mélodiques parfois, toujours dans l’urgence. La batterie martèle et surprend, la basse ronfle et gronde, la guitare est acérée et perçante, les cordes vocales se déchirent, puis le calme dans la tempête, l’œil du cyclone : Last Last Chance, ballade de crooner maudit. Le chaos reprend ensuite ses droits avec le titre éponyme, prouvant que Birds In Row ne se calment que pour mieux recharger les accus, jusqu’à ‘Lovers Have Their Say’ et sa longue agonie apocalyptique.
                Ce disque souffre d’hyperémotivité. On passe de la rage à la mélancolie à la haine à la tristesse à la colère au regret… Crevant, hein ? Bienvenue dans le monde moderne. You, Me & The Violence est un constat, une bouteille à la mer, le journal intime des types sensibles qui comprennent un peu trop bien ce qui se passe autour d’eux. C’est un long poème en musique, et c’est un grand, très grand album.