mercredi 28 décembre 2022

Baptists | Beacon Of Faith


J'ai un problème avec Baptists. Je les aime beaucoup, leurs disques me donnent envie de cogner dans les murs – surtout leur premier effort Bushcraft -, leur rage à peine contenue me fait toujours un effet boeuf, et leur batteur est vraiment monstrueux (ça, on en reparlera plus tard). Mais malgré tout ça, ils me frustrent un peu. Je m'explique.

Troisième album donc, troisième série de mandales distribuée par les Canadiens de Vancouver dont le succès n'est plus à prouver. On retrouve dès les premières secondes de 'Worse Than Hate' leur son facilement reconnaissable, entre la voix crachée avec hargne et la guitare malmenée, torturée, qui fait toujours autant penser à Converge et à sieur Ballou (le guitariste-producteur, pas l'ours de la jungle qui se contente de peu). Sur des titres comme 'Beacon Of Faith', 'Vicarious Trauma' ou 'Indigo Child', c'est plus que flagrant, et d'ailleurs pas qu'au niveau de la guitare, les fûts et la façon de scander les phrases suivent aussi le chemin tracé par la bande à Bannon.

Ajoutez à cette recette quelques petits ingrédients par-ci par-là, et vous obtenez du Baptists. A commencer par un crust bien gras et bien énervé. 'Outbreeding' pourrait sortir d'un album de Trap Them, et c'est à mon goût la meilleure chanson de l'album, celle qui donne envie de se jeter dans les pogos sans réfléchir et en braillant. 'Victim Service' est plus punk, avec un petit arrière-goût carrément rock'n'roll à s'en déchausser des vertèbres ; et l'accélération finale de 'Bevel Down' - qui ne manque pas de rappeler Martyrdöd - se la joue plus mélodique, et on se surprend à lever les mains vers le ciel en retroussant les lèvres.
Les Canadiens savent aussi ralentir le tempo et se permettre de poser des ambiances, et c'est en fait là qu'ils développent leur aspect le plus personnel. Les deux titres en question seront les seuls "répits" offerts sur l'album, sans compter la piste instrumentale finale. 'Capsule', avec sa montée en puissance à grands coups de toms et d'accords fleurant bon la HM-2 qui ne débouche que sur un rythme lent et une guitare chargée d'écho, se révèle aussi frustrante (dans le bon sens du terme) qu'entêtante, semblant résonner vainement dans la profondeur de la forêt de la pochette. 'Eulogy Template', elle, est franchement inquiétante, ses arpèges froids et métalliques se muant en accords écrasants comme une nuée de nuages noirs venant tout assombrir.
Et surtout, dernier ingrédient essentiel : Nick Yacyshyn (oui, il y a trop de Y), frappeur béton qui soutient tout l'édifice des Baptists. Son jeu nerveux, instinctif mais ultra-solide, bourré de breaks dans tous les sens sans paraître surchargé pour autant, rythme tout l'album et contribue à rendre la musique bien plus puissante qu'elle ne l'est déjà. Il a d'ailleurs sûrement beaucoup joué dans la popularité du groupe, certains fans se déplaçant surtout pour le voir lui, et Dave Grohl lui-même ayant déclaré qu'il était son batteur favori.

Et alors, pourquoi parler de Baptists comme d'un groupe frustrant, si tout ça sonne si bien ? Tout simplement parce que je trouve que ça pourrait sonner encore mieux. A chaque nouvelle sortie, je me dis qu'ils pourraient être un de mes groupes favoris, et un des plus grands noms du style. Mais à chaque fois, il leur manque à mon sens un petit quelque chose, un minuscule grain d'inspiration qui permettrait à chaque chanson d'être mémorable et à chaque zicos d'être au niveau pharaonique du batteur. Pas de véritable évolution ni d'innovation entre chacun de leurs albums, alors que je les sens à deux doigts (et encore : deux phalanges) de toucher la grâce et de sortir un truc monumental.

Qu'on ne s'y trompe pas : les Baptists sont ultra-efficaces, et ont depuis longtemps prouvé leur consistance et leur capacité à tout ravager sur leur passage. Mais avec une toute petite touche de caractère en plus, ils pourraient devenir immenses. Allez les gars, on y croit. Sortez de la forêt qui garnit chacune de vos pochettes, ou enfoncez-vous y définitivement, et vous ne serez plus seulement menaçants, vous serez monstrueux.

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