mercredi 28 décembre 2022

Helpless | Debt


GAZA.

Voilà, maintenant que j'ai l'attention de la faune chaotico-sludgy-hardcore qui aime les ecchymoses livrées par palettes et la violence rampante, parlons de Helpless, trio originaire d'Angleterre qui passait jusqu'ici plutôt inaperçu, avec à son effectif un unique et court EP.

Malgré la naissance de l'excellent Cult Leader, nous sommes nombreux à pleurer la mort de Gaza, dont la frénésie chaotique et la lourdeur écrasante n'ont jamais été égalées, ou en tout cas pas avec la patte unique qu'ils y apportaient. Alors quand j'ai entendu dire qu'on retrouvait un peu de cette grâce chez Helpless, j'ai tenté de ne pas hurler de joie trop tôt, et je me suis rué sur Bandcamp en croisant les doigts, avec des fers à cheval accrochés aux oreilles et un cierge dans chaque narine.

Et après plusieurs écoutes plus ou moins consécutives, il faut bien l'admettre : c'est vrai. Helpless possède cette facilité à écraser l'auditeur d'abattement pour ensuite le relever à grandes beignes au sein d'une même chanson, cette aisance à faire dans l'hystérique et le traînant à la fois, cette faculté à mettre tout le monde d'accord en quelques notes. Dès les premières secondes de 'Worth', entre cette guitare mathématique et chaotique à la fois, cette batterie qui tartine à mort et cette voix massive, on pourrait presque croire au retour des Américains, et il ne reste qu'à serrer les dents et encaisser les coups.
Et il y a de quoi encaisser, les titres s'enchaînent sans aucune difficulté, courts et incisifs, sans fioritures, comme si le combo avait voulu s'assurer d'éliminer la moindre longueur, le moindre sentiment de relâchement. Ne reste – presque – que furie grind et lourdeur mi-hardcore, mi-sludge, et lourdeur est un faible mot. Parce que le riff de 'Weightless Prayers', je ne sais pas combien il pèse, mais on se sentirait presque s'enfoncer dans le sol peu à peu.
Et quand on se permet brièvement de ralentir ou de prendre son temps, comme sur les fins de 'Moral Bankruptcy', 'Weightless Prayers' ou 'Ceremony Of Innocence', c'est pour pouvoir frapper sa cage thoracique du poing et le béton du pied, et ainsi se permettre de ressembler plus que jamais aux deux groupes cités plus haut.

Seulement, Helpless n'est pas qu'une copie de Gaza, ne serait-ce que parce que si Gaza laissait son auditeur sonné et impuissant, Helpless lui laisse de la marge pour se débattre et enrager. Une certaine énergie hardcore vient régulièrement peser sur le disque, la meilleure preuve étant le passage de basse au milieu de 'Moral Bankruptcy' qui donne furieusement envie de se mettre à mosher en pleine rue.
Et tant qu'on parle de basse : qu'est-ce qui leur a pris, sur ce dernier titre ? L'idée d'écrire une chanson entièrement basée sur un unique riff de basse peut paraître simple, mais pour lui instiller une pareille aura d'apocalypse, c'est une autre paire de manches. Ce riff qui tourne en rond six pieds sous terre, cette guitare qui n'est plus qu'un bout de métal rouillé, cette voix qui se révèle encore plus bestiale et possédée en arrière-plan... Il aurait été difficile de terminer sur une note plus marquante. L'album se finit en beauté, après une courte vingtaine de minutes. On en redemande, mais pour un disque aussi intense et chargé à bloc, c'est au final largement suffisant, et on le relance avec la bave aux lèvres et les yeux fous.

Helpless fait ses preuves, avec une vraie leçon de brutalité et un premier essai qui figurera haut la main dans les surprises de l'année. Effet bonus : après quelques écoutes, vous finissez avec la même tronche que la pochette.

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