mercredi 28 décembre 2022

Morse | Pathetic Mankind


Ca va finir par se savoir : le hardcore à tendance chaotique, c'est mon pêché mignon. Alors, du hardcore chaotique français (oui, ça ne court pas les rues), de qualité supérieure, et qui fait dire à certain collègue écrivain sur fond rose "qui a besoin de leader de culte, de toute manière" ? J'accours, je bondis, d'autant que le premier essai de Morse, Beliefs Destroyer, montrait déjà un joli potentiel sous ses airs de premier jet.

Et en quatre ans, les Montpelliérains n'ont pas laissé ce potentiel dormir. Avec un son gonflé aux hormones, une voix qui a développé ses reflets graisseux, et surtout une aura bien à eux, brutale et diablement efficace. Enregistré en plus chez Amaury Sauvé, qu'on ne présente plus, on en prend plein la face pendant une demi-heure, dans la joie et la bonne humeur, si l'on peut dire. Parce que, Montpellier chaud et ensoleillé, les doux et clairs bords de l'Hérault, tout ça, on oublie : il souffle sur Pathetic Mankind un vent glacial et une persistante odeur de pétrole, et les nombreux éclats de rage flamboyante parsemés sur le disque ne suffiront à réchauffer personne.
Il serait pourtant facile au premier abord de se laisser tromper par la hargne franchement hardcore des trois premiers titres, qui appellent à frapper du poing tout ce qui se trouve aux alentours à grands renforts de beats primitifs et de riffs complétement débridés qui fleurent bon le Cult Leader le plus vénère. Mais le premier indice se trouve dans la partie finale de 'Lies And Greed', avec ses accords traînants qui tirent vers une dissonnance bien assumée : vous la sentez, cette vilaine petite brise ?
Cette petite brise devient blizzard sur 'Unstoppable Fire' et 'Chocked' . Ces deux titres sont vicieux, sournois, frappent là où on ne les attendait pas, et sont par la même occasion bien évidemment excellents. Le premier joue sur la carte du ralentissement aussi binaire qu'épique, et le deuxième braille simplement son désespoir à pleins poumons, une plainte hurlée sur quelques accords étouffés qui prouve une fois de plus que la simplicité peut faire une chanson magique.
Pour le reste, les éclats de rage mentionnés plus hauts sont nombreux, et Morse canalise sa puissance de feu à merveille, jouant sans difficulté avec riffs déstructurés, légères acrobaties rythmiques et gros passages de gorille ('Pathetic Mankind' et sa lourdeur jouissive). Pas de déballage technique superflu, pas de fioritures forcées, juste une redoutable efficacité.

Un album brutal, mais qui se laisse porter par sa propre violence au lieu de s'y embourber, fluide et cinglant comme un petit sourire en coin, pour montrer aux poids lourds américains qu'ils ne lui font pas peur. Une des bonnes surprises de l'année, qui impose Morse non plus comme un groupe à surveiller, mais comme une menace bien réelle.

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